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Le Monde de Véro
4 mars 2008

Pour un moratoire sur les agrocarburants

J'ai écrit le texte ci-dessous il y a quelques mois et l'ai laissé en jachère. Comme je mets en ligne mes notes sur la conférence de Fabrice Nicolino (La catastrophe des agrocarburants) aujourd'hui, j'ai décidé de publier ces notes-là aussi, en l'état...

On les connait surtout sous l'appellation "biocarburants". Comme ils n'ont rien de bio, je préfère les appeler "agrocarburants". D'aucuns les nomment même "nécrocarburants"... Mais qu'est-ce donc qui se cache sous ces nouveaux synonymes ?

On nous vendait ces nouveaux carburants comme une alternative écologique, et comme une solution au déclin des combustibles fossiles. Une solution durable, vraiment ?
Mettre des plantes dans son moteur, certes, cela paraissait au départ une bonne idée. Sauf que :

- Les cultures impliquées (canne à sucre en Amérique du Sud, palme en Asie et en Afrique, maïs ou colza dans nos régions) sont tout sauf bio (contrairement à ce que l'appellation de biocarburant pourrait laisser penser). D'échelle industrielle, elles utilisent les pesticides et engrais de l'agriculture conventionnelle. Le colza est une des cultures les plus gourmandes en intrants, les besoins en eau de la canne à sucre et du maïs sont impressionants...

- Les cultures destinées aux agrocarburants entrent en concurence avec les cultures alimentaires pour les terres arables. Selon Jean Marc Jancovici, Ingénieur Conseil spécialiste des émissions des gaz à effet de serre, il faudrait cultiver 118% de la surface totale de la France en tournesol pour remplacer l’intégralité des 50 Mtep de pétrole consommées chaque année par les français dans les transports (104% de la surface nationale avec le colza, 120% avec la betterave et 2700% avec le blé). D'où une flambée des prix pour certains produits alimentaires, dramatique pour les populations qui subissent déjà la faim.

- Les cultures destinées aux agrocarburants encouragent la déforestation (la plantation de palmiers à huile a été responsable de 87 % de la déforestation en Malaisie entre 1985 et 2000) et provoquent l'érosion des sols défrichés.

- Ces cultures menacent la biodiversité, notamment à cause de la déforestation. En Indonésie et en Malaisie, la culture de palmiers menace la survie des derniers Orangs-Outans en liberté.

- Ces monocultures d'échelle industrielle se font au détriment des cultures vivrières locales de petite échelle, et sont souvent associées à des expropriations et à des conditions de travail déplorables.

- Le gain énergétique n'est même pas démontré. Une étude publiée dans Nature resources research (David Pimentel et Tad Patzek) conclut «qu'il n'y a aucun bénéfice énergétique à utiliser la biomasse des plantes pour fabriquer du carburant.» au terme d'un calcul tendant à montrer que l'énergie globale nécessaire à la production d'éthanol à partir de maïs, à la production du bois et à celle de biodiesel à partir de soja ou de tournesol est pour chacun de ces cas supérieure de 27 à 118 % à l'énergie produite. En d'autres termes, il faut plus d'énergie pour produire ces combustibles que celle qu'ils dégagent. Energie qui provient en partie de combustibles fossiles. Le serpent se mort la queue.

- Concernant l'impact sur les gaz à effet de serre (GES), l'ADEME conclut que "En ce qui concerne les GES, les indicateurs publiés soulignent les mêmes bénéfices des biocarburants par rapport aux carburants fossiles." Des bénéfices, vraiment ? Mais l'ADEME ne prenait sans doute pas en compte l'ensemble des paramètres dans son bilan : aujourd'hui, les scientifiques s'accordent à dire que les biocarburants sont une "bombe climatique", pire que les carburants fossiles.

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